Corinne
Bouchère
Je rejoins Corinne dans la boutique où elle sert avec le sourire plusieurs habitués qui s’amusent de me voir photographier “la patronne”. Découper, peser, emballer, elle m’explique que ces gestes, elle les a appris à force d’observer son mari, pour ne plus se contenter d’encaisser les clients. Véritable force de caractère, la bouchère m’invite à la suivre dans l’arrière-boutique pour m’ouvrir les portes d’un univers méconnu, la face cachée de cet artisanat de bouche : le laboratoire. Avec ses chambres froides, ses crochets auxquels sont suspendues les carcasses prêtes à être découpées, ses billots et ses couteaux, le lieu, épuré et fonctionnel, n’inspire que peu la sympathie; mais la bonhomie de Corinne est là pour ramener cet écosystème à l’équilibre. Je prends plaisir à photographier les deux facettes de ce métier aussi vieux que le monde, de la boutique à l’arrière-boutique, de l’étal au billot. Nous laissons les clients dans les mains expertes du patron et partons feuilleter les archives de la maison, soigneusement documentées dans de gros classeurs. Des photos de famille aux récompenses obtenues en passant par les articles de presse vantant les mérites de leur affaire, Corinne me parle de sa grand-mère qui, de son temps s’occupait elle aussi de la caisse aux côtés de son époux. Émue d’être témoin de cette passation d’une génération à l’autre, je documente moi aussi ces moments extraordinaires partagés avec une artisane de notre ordinaire.